Lymphomes primitifs du système nerveux central (LPSNC)

Le lymphome cérébral primitif peut être favorisé par un déficit de l’immunité (infection par le virus du VIH, maladie de l’immunité, traitement immunosuppresseur prolongé, greffes), mais il survient le plus souvent chez des patients immunocompétents. Il peut atteindre le cerveau, les compartiments intraoculaires (uvée, rétine et nerf optique), le LCR et plus rarement la moelle épinière. L’atteinte intraoculaire isolée, définissant le sous-groupe des lymphomes primitifs vitreo-rétiniens est une cause rare d’uvéite, de diagnostic difficile.

La prise en charge des patients atteints d’un lymphome cérébral ou intra-oculaire primitif est guidée par les recommandations du réseau Expert National pour les lymphomes oculo-cérébraux (LOC)  comprenant 20 centres experts régionaux. Ces recommandations, éditées dès 2014 ont été actualisées en 2021 et 2024. La RCP nationale de recours se réunit en web conférence 2 fois par mois pour les avis diagnostiques et thérapeutiques. Le réseau LOC a également pour objectif d’orienter les axes de recherche et d’encourager la participation à des essais cliniques et translationnels, l’information des équipes médicales et des patients. Il coordonne une base nationale de données, permettant une meilleure connaissance de la maladie, et source de données essentielles pour l’élaboration de projets de recherche clinique et translationnelle

En l’absence d’un score pronostique qui permettrait de stratifier les patients  au diagnostic et au cours de l’évolution, le traitement de 1ère ligne des patients atteints d’un lymphome cérébral primitif n’est défini qu’en fonction d’éléments décisionnels liés au patient: l’âge, les comorbidités et/ou altération de l’état général / neurologique, la fonction rénale, l’éligibilité à une chimiothérapie intensive suivie d’autogreffe de cellules souches périphériques (CSP), une atteinte méningée et/ou intra-oculaire.

L’âge et surtout l’état général orientent ainsi le choix de la 1ère ligne de traitement :
Patient < 65 ans, éligible à une chimiothérapie intensive + autogreffe de CSP
Patient 65 à 70 – 75 ans éligible à une chimiothérapie intensive adaptée à l’âge + autogreffe de CSP
Patient > 70 – 75 ans ou 65 – 75 ans avec comorbidités ou altération de l’état général / neurologique
Patient très âgé / très fragile

Le traitement des patients éligibles à une chimiothérapie comportant du méthotrexate à haute dose  et éligibles à une autogreffe comporte une induction par polychimiothérapie à base de méthotrexate et aracytine à fortes doses, associée au rituximab, avec au moins 6 injections de méthotrexate, suivies en cas de réponse complète ou réponse partielle supérieure à 75%, d’une chimiothérapie intensive avec autogreffe de CSP.
L’autogreffe peut être discutée pour des patients en très bon état général sans comorbidité majeure jusqu’à 75 ans voire au-delà en utilisant des chimiothérapies intensives adaptées à l’âge.
Les réponses évaluées comme stables ou en RP < 75% sur les IRM selon les critères IPCG sont considérées en général comme des échecs d’induction. Des biomarqueurs ainsi que des séquences IRM complémentaires sont à l’étude pour compléter l’évaluation de la réponse thérapeutique.
La radiothérapie a désormais des indications limitées en 1ère ligne pour les patients âgés de moins de 60 ans et non éligibles à une chimiothérapie intensive + autogreffe. Une faible dose est alors recommandée (23,4 Gy, 13 fractions de 1,8 Gy) sur l’encéphale in toto, lorsque le patient présente un profil de tolérance favorable.
Les patients éligibles à une chimiothérapie comportant du méthotrexate  mais non éligibles à une autogreffe sont traités par rituximab-polychimiothérapies avec méthotrexate 6 à 8 injections. Une réponse complète est consolidée par une cure de rituximab-aracytine. Une atteinte stable ou progression nécessite un traitement de 2ème ligne ou un essai clinique.
L’âge n’est pas en soi une contre-indication au méthotrexate-haute dose, dont la dose peut être réduite en fonction de la fonction rénale (100 à 500 mg/m2) avec une méthotrexatémie cible comprise entre 1 et 5 micromol/l à H24.

Dr Carole Soussain, Institut Curie, site de Saint-Cloud

Le diagnostic de LCP doit être validé par un examen histologique. Parfois, la biopsie est formellement récusée en raison de la localisation de la tumeur. Dans ce cas, si les lésions IRM et/ou spectroscopie par résonnance magnétique sont très évocatrices de LCP, les marqueurs biologiques tels qu’une augmentation de l’IL10 (avec IL10/IL6 > 1) dans le LCR et/ou la détection de mutations MYD88, et/ou mutations CD79B dans le LCR peuvent orienter le diagnostic vers un LCP. L’analyse du ctDNA dans le LCR/sang peut être très informative mais est non faisable en routine.

L’impact pronostique de biomarqueurs est en cours d’étude. De même, des études de biologie moléculaire suggèrent une hétérogénéité de la maladie selon des caractéristiques de la cellule lymphomateuse et du microenvironnement tumoral. Cependant, ces critères biologiques ne sont pas encore validés dans un score pronostique. Cytokines et ctDNA ont donné des résultats encourageant à partir d’études rétrospectives, et sont en cours d’étude prospectives. Des critères radiomiques pourraient également compléter l’évaluation du pronostic de la maladie au diagnostic et en cours de traitement.

Les lymphomes primitifs vitreo-rétiniens sont traités dans la mesure du possible comme des LCP. Le réseau LOC recommande une consolidation par une irradiation à faible dose des deux globes oculaires en cas de RC après la chimiothérapie d’induction. Ces formes étant très rares, les recommandations s’appuient sur l’analyse de la littérature, l’expérience du réseau LOC, et des consensus d’experts (Soussain Blood 2021).

Les Thérapeutiques ciblées (iMIDS et iBTK) ont fait preuve de leur activité dans les LCP et les lymphomes primitifs vitreo-rétiniens en rechute et sont à l’étude en 1ère ligne couplés à une immunochimiothérapie conventionnelle. L’intérêt d’un traitement d’entretien, tels que iMIds, iBTK, ou temozolomide ou cures de méthotrexate est évalué dans des études en cours.

Traitement des rechutes
Patients éligibles à une autogreffe (jusqu’à 75 ans) : chimiothérapie de 2éme ligne de type R-DHAP (si pas d’aracytine en 1ère ligne) ou R-ICE et autogreffe de CSP. Dans certains cas de rechutes tardives > 1 an après une rémission complète post méthotrexate, du méthotrexate peut à nouveau être proposé à la rechute avant autogreffe de CSP.
Rechute après autogreffe de CSP ou patients non éligibles à l’autogreffe mais éligibles aux CAR T cells: CAR T-cells.
Rechute précoce : pas de preuve que les CAR T-cells soient supérieurs à l’autogreffe de CSP (mais question en débat et perspective).
Pour les patients non éligibles à l’autogreffe de CSP et aux CAR T-cells: Témodal ou thérapeutiques ciblées.
Sont en cours d’étude des associations iBTK + Imids, un anti-IRAK4. Les 1ères études avec un inhibiteur de points de contrôle étaient décevantes, mais ces molécules pourraient avoir un intérêt dans certains sous-groupes moléculaires et en association.

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réseau Expert National pour les lymphomes oculo-cérébraux (LOC) https://www.reseauloc.org/lymphome-cerebral-primitif