Lymphomes de la zone marginale

Les lymphomes de la zone marginale (LZM) sont une entité de lymphomes non hodgkiniens (5 à 15% des LNH) dont les cellules proviennent de lymphocytes B présents normalement dans la zone marginale des follicules lymphoïdes secondaires. Les LZM peuvent se développer dans des organes lymphoïdes (rate, ganglions) mais également dans des organes non lymphoïdes, comme les tissus lymphoïdes liés aux muqueuses (mucosa-associated lymphoid tissue, MALT) et les tissus lymphoïdes non muqueux (orbite, peau, dure-mère).

En France, le taux d’incidence standardisé du LZM a augmenté de 4% en moyenne par an, entre 2003 et 2018. Le taux d’incidence standardisé en 2018 était de 23/1 000 000 et 17/1 000 000 personnes-années, respectivement chez les hommes et les femmes, ce qui correspond à 2800 nouveaux cas par an en France. Le LZM est le second plus fréquent des LNH après 65 ans.

Pour les LZM extra-ganglionnaires, l’attitude en 1ère ligne repose sur un traitement anti-infectieux lorsqu’une bactérie a été identifiée. Une abstention-surveillance est possible pour ces lymphomes indolents non folliculaires. L’indication d’un traitement spécifique du lymphome dépend du site atteint et de la gêne symptomatique.

Rédaction avec la participation du Dr Côme Bommier, Chef de Clinique Assistant, Hémato-Oncologie, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris

Un agent infectieux et/ou une maladie auto-immune à l’origine d’une stimulation antigénique chronique sont souvent présents selon le site du lymphome.

LZM gastrique

La gastrite chronique associée à Helicobacter Pylori (HP) prédispose à l’émergence d’un lymphome du MALT gastrique. L’éradication de H. Pylori par un traitement antibiotique est suivie dans plus de 75% des cas par une régression complète du lymphome du MALT, après un délai de 3 à 12 mois.

Test de dépistage d’HP : test respiratoire à l’urée est réalisé avant traitement et 6 semaines après début du traitement d’éradication d’HP et au moins 2 semaines après arrêt des IPP.

Traitement d’éradication HP  1ère ligne: Quadrithérapie avec bismuth 
IPP + sel de bismuth + tetracycline + metronidazole 10 jours
Pylera 3 gélules 4 fois/jour après les repas matin, midi, soir et au coucher
Tous les patients ayant un LZM gastrique et une infection associée à H.pylori, quel que soit le stade de la maladie, doivent recevoir un traitement éradicateur.

LZM gastrique localisé HP positif 
HP éradiqué : endoscopie gastro-duodénale à 3 – 6 mois
HP présent : Traitement d’éradication HP de 2ème ligne, puis endoscopie gastro-duodénale et biopsie à 3 – 6 mois
Endoscopie gastro-duodénale et biopsie après traitement
Régression complète du lymphome : endoscopie-biopsie tous les 6 mois, 2 ans puis / 12-18 mois
Régression partielle du lymphome asymptomatique : endoscopie-biopsie tous les 3-6 mois
Lymphome présent symptomatique : envisager un traitement spécifique du lymphome.

LZM gastrique localisé avec translocation t(11 ;18)(p21 ;p21) permettant d’identifier les patients dont la réponse à l’éradication d’Hélicobacter Pylori est peu probable. 
Attitude standard ou pour les patients symptomatiques, traitement spécifique du lymphome.

LZM gastrique localisé HP négatif
Un traitement spécifique du lymphome est envisagé en fonction des symptômes et des données de l’endoscopie gastro-duodénale.

LZM gastrique disséminé 
Envisager précocement un traitement spécifique du lymphome associé à un traitement éradicateur HP pour les atteintes gastriques associées à HP.
Endoscopie gastro-duodénale et biopsie après traitement éradicateur.
Lymphome non symptomatique : surveillance active, endoscopie gastro-duodénale et évaluation systémique / 6 mois pendant 2 ans puis tous les 12 – 18 mois.
Lymphome symptomatique ou autre indication de traitement, envisager un traitement spécifique du lymphome.

Traitement spécifique du lymphome gastrique
Selon le caractère localisé ou disséminé et l’évaluation après traitement éradicateur HP. Radiothérapie sur la loge gastrique (24 Gy) 
Immunochimiothérapie de 1ère intention: rituximab-chlorambucil

LZM extra-ganglionnaires non gastriques
La présentation des LZM extra-ganglionnaires est très variée, elle dépend de la localisation initiale du lymphome. Des atteintes multifocales au diagnostic sont présentes dans 30 à 40% des cas, mais une atteinte médullaire n’est présente que chez une minorité de patients (2 – 20% selon les séries). 

L’index pronostique MALT-IPI établi selon 3 facteurs de risque (âge > ou = 70 ans, stade III ou IV, LDH > normale) définit 3 groupes de risque dont la survie sans événement à 5 ans, dans l’étude de validation, est de 70%, 56% et 29% respectivement selon le nombre de facteurs, respectivement aucun, un facteur, au moins 2 facteurs. En pratique le traitement n’est pas choisi selon cet index.

 https://www.lymphoma-care.fr/boite-a-outils/lymphome-extraganglionnaire-de-la-zone-marginale-ou-lymphome-de-malt/

La progression dans les 24 mois suivant l’initiation du premier traitement systémique (POD24 pour progression of disease within 24 months) a désormais une valeur pronostique importante. Dans l’étude de validation, la survie globale à trois ans pour les patients avec POD24 était de 53% (HR=19,5, IC95% 8,4-45) contre 95% chez les patients sans POD24.

L’antibiothérapie pour les LZM extra-ganglionnaires non gastriques (oculaire, cutané ou intestinal) doit être proposée dans le cadre d’essais cliniques, notamment pour la forme oculaire, afin d’améliorer le niveau de preuve des petites séries publiées. 

La radiothérapie permet un bon contrôle en cas d’atteinte localisée cutanée (24 Gy) et même à dose réduite (2 x 2 Gy) sur une atteinte des glandes lacrymales ou pulmonaire. 

Un traitement local par chirurgie avec exérèse complète est discuté au cas par cas pour certaines localisations facilement évaluables par l’examen clinique. 

Une immunochimiothérapie est indiquée en cas de masse tumorale importante, de gêne symptomatique ou de manifestation associée au lymphome comme une anémie hémolytique auto-immune résistante aux corticoïdes. L’association rituximab-chlorambucil est proposée  pour les personnes fragiles et permet d’obtenir une survie sans progression (SSP) à 8 ans de 68%. L’association rituximab-bendamustine est à privilégier pour les personnes en bon état général, permet une SSP à 7 ans de 93%, ce traitement est arrêté après 4 cycles chez les patients en RC après 3 cycles.

Pour les  patients atteints de LZM extra-ganglionnaires, la survie globale à 5 et 10 ans est de 93% et 83% chez ceux ayant une forme gastrique, et elle est de 88% et 77% chez ceux ayant une forme non gastrique.

Un LZM splénique est souvent révélé par une anomalie du bilan sanguin telle qu’une hyperlymphocytose avec présence de lymphocytes atypiques, une thrombopénie ou une anémie le plus souvent d’origine périphérique par hypersplénisme, auto-immunité, voire envahissement médullaire. En cas de maladie plus évoluée, les patients peuvent se plaindre d’une asthénie et/ou d’une douleur de l’hypocondre gauche. Le diagnostic repose sur des examens de cytologie, immunophénotype, cytogénétique, biologie moléculaire pour écarter d’autres hémopathies. Une IgM monoclonale est présente dans 30% des lymphomes spléniques de la zone marginale. La recherche d’une hépatite C associée au lymphome est systématique. L’infection par le VHC a été associée, dans plusieurs études, à un risque de LZM splénique multiplié par 2 à 3. Le traitement antiviral peut permettre d’obtenir une rémission du LZM splénique dans environ 75%  des cas.

Le score simplifié HPLLs/ABC, construit avec 4 facteurs de risque (hémoglobine < 9,5g/dl, plaquettes < 80 G/L, LDH > normale, présence d’adénopathies extra-hilaires) définit 3 groupes de risque dont la survie spécifique du lymphome à 5 ans est 95%, 87% et 68% selon le nombre de facteurs, respectivement aucun, 1-2 facteurs, 3-4 facteurs. En pratique, l’index n’est pas utilisé pour guider le traitement. 

https://www.lymphoma-care.fr/boite-a-outils/lymphome-splenique-de-la-zone-marginale-score-simplifie/

Traitement 
Plusieurs options sont discutées au cas par cas
Surveillance en l’absence de cytopénie et/ou splénomégalie symptomatique
Rituximab monothérapie 375mg/m² avec un schéma hebdomadaire durant 6 cycles et un entretien d’un an. 
La SSP à 5 ans est de 79%. La survie globale à 5 et 10 ans des patients atteints de LZM splénique est de 84% et 68%.

Les patients présentent habituellement une ou plusieurs adénopathies périphériques asymptomatiques. Une atteinte médullaire est observée chez un tiers des patients. Les cytopénies et la présence d’un composant monoclonal sont rares.

Les critères de forte masse tumorale du GELF peuvent être utilisés pour décider de débuter un traitement.

Les traitements recommandés sont, selon l’état clinique du patient, rituximab-bendamustine (6 cycles), rituximab-CHP, voire rituximab-CVP. La survie globale à 5 ans est globalement de 60―70%.

Traitement
Forte masse tumorale ou patient symptomatique : Immunochimiothérapie R CHP, R-bendamustine
Faible masse tumorale absence de symptômes: abstention surveillance
LZM ganglionnaire associé à une hépatite C : traitement antiviral

Plusieurs études ont montré qu’un traitement d’entretien par rituximab améliore la survie sans progression, sans bénéfice de survie globale (Alderuccio, Blood Adv 2022, Kalpadakis, Blood 2018).

La survie globale à 5 ans est globalement de 60―70%.

Parmi les LZM, 20% rechutent ou progressent dans les 24 mois du traitement initial et le POD24 est prédictif pour la survie globale (Rossi, N Engl J Med 2022, Epperla, J Hematol Oncol 2023).

Le risque de transformation en lymphome agressif à 10 ans est de 4 à 8% dans 2 études (Alderuccio J Clin Oncol 2018, Epperla Blood Adv 2023). Les facteurs de risque de transformation histologique sont POD24, taux de LDH, nombre de sites ganglionnaires envahis, MALT-IPI élevé, une IgM monoclonale présente au diagnostic (Alderuccio, J Clin Oncol 2018, Epperla, Blood Adv 2023).

Les traitements de 1ère ligne gardent une place en situation de rechute/progression.
Une surveillance est possible en l’absence de retentissement clinique et de critères de forte masse tumorale. La radiothérapie en cas de maladie localisée avec retentissement clinique, le rituximab en monothérapie, l’immunochimiothérapie conservent des indications dans des rechutes tardives. L’intensification thérapeutique-autogreffe pour les patients jeunes est discutée au cas par cas. 

De nouveaux traitements sont évalués dans les essais cliniques récents et en cours (Tableau). Certains de ces médicaments sont actuellement disponibles dans le cadre d’une AMM (zanubrutinib) ou plus précocement d’un accès dérogatoire : accès compassionnel (AAC) ou accès précoce (AP).

Alderuccio JP, Zhao W, Desai A, et al. Risk factors for transformation to higher-grade lymphoma and its impact on survival in a large cohort of patients with marginal zone lymphoma from a single institution. J Clin Oncol. 2018 Oct 12 :JCO1800138.

Alderuccio JP, Arcaini L, Watkins MP, et al. An international analysis evaluating frontline bendamustinee with rituximab in extranodal marginal zone lymphoma. Blood Adv 2022 Apr 12 ;6(7) :2035-2044.

Alderuccio JP, Kahl BS. Current treatment in marginal zone lymphoma. Oncology 2022 Apr 6;36(4):206-215.

Epperla N, Zhao Q, Karmali R, et al. Impact of detectable monoclonal protein at diagnosis on outcomes in marginal zone lymphoma: a multicenter cohort study. Blood Adv. 2023 Sep 12;7(17):5038-5046.

Epperla N, Li Welkie R, Torka P, et al. Impact of early relapse within 24 months after first-line systemic therapy (POD24) on outcomes in patients with marginal zone lymphoma : A US multisite study. J Haematol Oncol. 2023 May 8;16(1):49

Kalpadakis C, Pangalis GA, Sachanas S, et al. Rituximab monotherapy in splenic marginal zone lymphoma : prolonged responses and potential benefit from maintenance. Blood 2018 Aug 9;132(6):666-670.

Montalban C, Abraira V, Arcaini L, et al. Splenic Marginal Zone Lymphoma Study Group (SMZLSG). Simplification of risk stratification for splenic marginal zone lymphoma: a point-based score for practical use. Leuk Lymphoma2014 Apr;55(4):929-31.

Rossi D, Bertoni F, Zucca E. Marginal zone lymphoma. N Engl J Med 2022 Feb(10);386(6):568-581.

Thieblemont C, Cascione L, Conconi A, et al. A MALT lymphoma prognostic index. Blood 2017 Sep 21;130(12):1409-1417.

Walewska R, Eyre TA, Barrington S, et al. Guidelines for the diagnosis and management of marginal zone lymphomas: A British Society of Haematology Guideline. Br J Haematol 2023;00:1-22. 

Zucca E, Arcaini L, Buske C, et al. Marginal zone lymphomas : ESMO clinical practice guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol volume 31, issue 1, P17-29, January 2020.